Le concept de surcompensation existe dans le monde de la musculation depuis maintenant bien longtemps. Le problème est que ce concept n’était que théorique. Jusqu’à maintenant. Une étude faite par Bjørnsen et ses collègues en 2019 a prouvé au monde que la surcompensation musculaire existe bel et bien.
Et aujourd’hui, mon pote, on va analyser cette étude pour la comprendre et on va essayer de voir si on peut appliquer les leçons apprises dans cette étude dans notre programme muscu pour augmenter la rapidité de prise de muscle/force.
Vu que c’est une analyse d’étude, on va parler de détails techniques avec des mots compliqués. Je conseillerais cet article pour ceux qui sont déjà acclimatés à un langage muscu-centrique (ex : échec musculaire, 1RM, ce qu’est un quadriceps, sets, reps, etc).
D’ailleurs, pour ceux qui n’aiment pas lire, voici la page en format vidéo
Mais pour ceux qui préfèrent le format écrit (comme moi), commençons par le début.
La surcompensation musculaire : qu’est-ce que c’est que cette chose ?
La surcompensation musculaire est un concept où tes muscles vont grossir, même après avoir arrêté complètement la muscu (récemment bien sûr). Je sais, c’est pas un truc que tu as déjà entendu. Mais avant que tu t’excites trop vite, on parle de 1 ou 2 semaines d’arrêt total de muscu, pas plus.
La dernière info qu’il faut que tu connaisses : on pense que la surcompensation a lieu après une période de « surentraînement » (période durant laquelle la dégradation de protéines musculaire est plus grande que la synthèse des protéines).
Voici comment on explique le phénomène : vu que ton corps ne peut pas bâtir du muscle durant la période de surentraînement, il va vouloir rattraper le retard et surcompenser. En d’autres mots, faire « plus grossir que nécessaire » tes muscles pendant la période de pause.
Avant cette étude, l’existence de ce phénomène était grandement débattue par les chercheurs.
Maintenant qu’on a couvert à quoi ressemble la théorie de surcompensation musculaire, analysons comment ce concept se manifeste en pratique.
Revue de l’étude
Durant cette étude faite par nos collègues scandinaves, 9 hommes et 3 femmes avec aucune expérience en salle ont suivis deux blocs d’entraînements de 5 jours.
L’entraînement était des extensions quadriceps avec des poids légers (20 % du 1RM) jusqu’à l’échec musculaire. Et, les exercices ont été faits avec un type de garrot autour du quadriceps pour limiter la circulation sanguine, maintenu en place pendant les séries et les pauses entre les séries. Le garrot est utilisé pour rendre l’exercice plus dur.
Les 3 premiers jours du bloc d’entraînement, les participants ont fait 4 séries d’extension quadriceps avec 30 sec de pause entre. Et pendant les deux derniers jours du bloc d’entraînement, les participants ont fait 2 fois les 4 séries par jour, soit 2 séances par jour.
Cette séance est loin d’être optimale dans le contexte de bodybuilding classique, mais ici, les chercheurs ont essayé de surentraîner le quadriceps. Dans cette optique-là, cette séance muscu est parfaite.
Entre les deux blocs de travail, les participants ont eu 10 jours de pause. Les participants ont aussi été analysés 3, 5, 10 et 20 jours après le deuxième bloc de musculation.
Pour ceux qui ne le savent pas, voici à quoi ressemble l’extension quadriceps, fait par une jolie jeune femme :
Passons aux résultats.
Note : je garde les meilleurs résultats pour la fin.
Dans la première partie de la revue de l’étude, on va analyser les résultats bruts, et dans la partie suivante, on va interpréter les résultats pour pouvoir ensuite les appliquer dans notre programme muscu. Clique ici pour aller directement à l’interprétation.
1RM sur l’extension quadriceps
Ici, on va analyser les variations de force durant l’étude de 46 jours.
Le 1RM a initialement baissé de 4% après le premier bloc d’entraînement, ce qui est normal quand on surentraîne un muscle. 3 et 10 jours après le deuxième bloc d’entraînement, la force est revenue aux niveaux initiaux avant l’étude, et à la dernière mesure prise par les chercheurs, la force des participants a augmenté d’environ 6% en comparaison aux niveaux initiaux.
Cela correspond à une augmentation de force très légère, surement inférieure à celle perçue durant un programme de musculation classique. Ce qui est tout à fait normal quand on y pense, car les poids utilisés étaient légers.
Certains attribuent cette augmentation de force de 6% 20 jours après l’arrêt de la musculation à la surcompensation. Mais, d’autres pensent que c’est tout simplement dû à la familiarisation des participants à cet exercice, car les participants n’ont jamais fait de muscu auparavant. Mais bon, on ne saura jamais qui a raison.
Ceci dit, ce ne sont pas les résultats les plus palpitants.
Endurance musculaire
Le nombre de reps que chaque participant à fait a augmenté de 10 % entre le premier et le deuxième bloc d’entraînement.
Cellules satellites et myonucléus
Avant de commencer cette partie, faisons une petite parenthèse pour que j’explique ce que sont les cellules satellites et les myonucléus.
Les cellules satellites sont la source de nouveau matérielle nécessaire pour l’hypertrophie et la croissance musculaire. Donc en gros, si tes fibres musculaires sont abimées (suite à un effort par exemple), les cellules satellites s’activent, se divisent et se fusent ensemble pour replacer les parties abimées.
Les myonucléus musculaire est le nom que l’on donne aux noyaux (pluriel) de la cellule musculaire (car il y en a plusieurs). Chaque noyau est responsable d’un « domaine du noyau » où le noyau peut piloter la construction de muscle.
D’ailleurs, accessoirement, on pense que c’est la présence de myonucléus qui est responsable de la mémoire musculaire.
Autre chose à savoir sur le myonculéus : au plus le domaine du noyau est petit, au plus tes fibres musculaires vont grossir rapidement.
Donc, en gros ce qu’il faut que tu retiennes si tu n’as rien compris : au plus le nombre de cellules satellites et de myonucléus augmente, au plus on est content.
Donc, analysons les variations de ces derniers durant cette étude.
Le nombre moyen de cellules satellites par fibre musculaire a augmenté très rapidement de près de 70 % pour les fibres type I (lentes) et de 50% pour les fibres type II (rapides) dès le 4ᵉ jour du premier bloc de travail.
Cette augmentation des cellules satellites pour les fibres type I a ensuite baissé, et a atteint son paroxysme 3 jours après la fin du premier bloc (+96% par rapport aux niveaux initiaux). Ceci dit, le nombre de cellules satellites pour les fibres type II n’a jamais baissé et à continué d’augmenter. La concentration de cellules satellites dans les fibres types II a atteint son maximum 10 jours après le deuxième bloc d’entraînement (+144%, ce qui est énorme).
Pour les deux types de fibres musculaires, le nombre de myonucléus n’a pas augmenté avant la fin du deuxième bloc d’entraînement. La concentration de ces derniers a augmenté au maximum de 30% (pour les deux types de fibres), 10 jours après le deuxième bloc de travail.
Étrangement, le domaine des myonucléus a baissé entre le début et la fin de l’étude, ce qui est opposé à notre compréhension des myonucléus. Mais bon, avoir un domaine de myonucléus plus petit est une bonne nouvelle, donc tout bénef.
Ces informations nous laissent penser que les fibres musculaires étaient dans un état « prêt à grossir rapidement », en particulier 10 jours après le deuxième bloc.
Taille des fibres musculaires
C’est ici que les résultats vont devenir intéressants.
La section transversale (SC) des fibres musculaires (c.-à-d. le diamètre au point le plus épais) type II (fibres rapides) a baissé de 15% durant la pause entre les deux blocs d’entraînement. La SC des fibres type I a également baissé de 6%, mais cela ne représente pas une différence significative (6%, c’est dans la marge d’erreur).
3 jours après le deuxième bloc d’entraînement, la SC des fibres musculaires des deux types est revenue plus ou moins aux niveaux initiaux.
Mais 10 jours après le deuxième bloc d’entraînement, la SC des fibres musculaires type I a augmenté de 19% comparé aux mesures faites juste avant l’étude ! Ce qui est énorme. La SC des fibres musculaires type II a aussi augmenté, mais de 11%, ce qui était presque significatif, mais ne l’est pas.
Passons maintenant aux mesures de la SC du muscle droit fémoral et d’épaisseur des muscles. Ces deux résultats sont ce que l’on va utiliser pour quantifier l’hypertrophie musculaire.
Ces deux derniers ont augmenté à +6,8 et +5,6% respectivement (par rapport aux mesures pré-étude).
Après le premier bloc d’entraînement, ils ont ensuite baissé jusqu’à +1,5 et +3,4% respectivement juste avant le deuxième bloc d’entraînement. Et à la fin du deuxième bloc, ces niveaux ont augmenté significativement jusqu’à +7,9% et +6,9% respectivement. Ces niveaux sont restés pareil jusqu’à 10 jours après le 2ᵉ bloc.
Note : la SC des fibres du muscle droit fémoral sont dans une catégorie différente de la mesure des autres fibres musculaire parce que la méthode de mesure était différente.
Autre note : pour ceux qui ne le savent pas, le muscle droit fémoral est l’un des 4 muscles qui composent le quadriceps :
Là il nous faut un peu d’interprétation !
Dans l’étude donc, la taille des fibres (=SC) musculaires a augmenté de plus de 10 % entre le 3ᵉ et le dixième jour après le deuxième bloc d’entraînement. Ce qui montre que la surcompensation existe. Ceci dit, pour le moment, on ne comprend pas ce phénomène.
La SC du muscle droit fémoral et l’épaisseur du quadriceps n’ont pas varié de la même façon. Au début du premier bloc d’entraînement, ces derniers ont augmenté, alors que la taille des fibres a baissé.
Ces niveaux ont ensuite augmenté juste après le deuxième bloc d’entraînement et sont restés à peu près stable 10 jours après, mais la tendance était vers la diminution.
Il n’y a donc pas eu de surcompensation pour ces deux mesures.
Donc pour ceux qui cherchent à avoir de gros muscles, faire un programme muscu avec surcompensation ne va pas nous être utile, car le métrique qui nous intéresse (SC du muscle droit fémoral et l’épaisseur des muscles) sont à leur maximum juste après la séance musculation.
Donc attendre les 10 jours pour que la surcompensation apparaisse serait juste une perte de temps.
Utiliser le concept de surcompensation dans sa séance musculation ?
Il est dur d’appliquer les concepts utilisés dans les études sur de nouveaux styles d’entraînement, vu que notre compréhension est limitée à très peu d’études. Concocter un programme de musculation efficace qui tourne autour de la surcompensation à ce jour est donc impossible, car il y a de grands risques que tu surentraînes ou que tu sous-entraînes tes muscles
Et pour compliquer encore plus les choses : les résultats varient en fonction des participants.
Chez l’un des participants, la taille des fibres type I a augmenté de près de 50%, alors que chez deux autres participants, la taille a diminué de 5%.
Pareil pour les fibres type II : un des participants a vu la taille de ses fibres rapides augmenter d’environ 40%, alors qu’un autre participant a vu la taille baisser de plus de 10%. Idem pour la force (pour un des participants +15%, et pour un autre, – 8%)
Donc si tu cherches à optimiser la prise de muscle, je déconseillerais les séances musculation basées sur le concept de surcompensation.
Informations supplémentaires
Si tu veux utiliser les techniques d’entraînement avec restriction de circulation sanguine, il est important de noter qu’un des participants a arrêté l’étude, car cette pratique lui a donné des symptômes de rhabdomyolyse, qui est une condition très grave quand tes muscles deviennent trop endommagés (en général accompagné d’urine marron/sombre).
Mais si tu veux quand même essayer l’entraînement avec réduction de la circulation sanguine, les participants durant l’étude utilisaient un brassard de pression autour de la cuisse avec un gonflement de 90 mmHg pour les femmes et 100 mmHg pour les hommes.
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